mercredi 31 juillet 2013

Histoire du Pays de la Drobie

la pente et les faysses

Voici quelques éléments d’histoire locale qui vous aideront à mieux comprendre ce Pays.
Dans les années 1850, la vallée de la Drobie, soit les communes de Sablières, Dompnac, St Mélany et pour moitié Beaumont et St André Lachamp, comptait plus de 3 000 habitants ; on était alors au maximum de la population de cette vallée, une véritable ruche d'abeilles qui s'affairaient de tous côtés.
On augmentait la surface des terrasses, on construisait chapelles, ponts et pontets et l'arbre à pain : le châtaignier, était le principal responsable de l'extension démographique car ses fruits fournissaient une part importante de la nourriture de la maisonnée : humains et animaux toute l'année et leur commercialisation sous forme de fruits séchés : les cruzes, rapportait l'argent nécessaire.
Toute la surface du pays était utilisée : les pentes étaient cultivées grâce à la construction des terrasses, les faysses, ou faïsses qui, telles des escaliers géants, s'étageaient sur les flancs de la montagne et partout où l'on trouvait des terrasses, le terrain était labouré.
Quelles étaient les cultures ? les châtaignier, bien sûr, mais mais dans les parties basses de la vallée on trouvait des oliviers, des vignes et grâce à l'assolement triennal : pommes de terre, céréales (orge et seigle),pois chiche, jardins potagers, arbres fruitiers ; le long des ruisseaux et des rivières étaient les prairies de fauche, avec un important réseau de canaux et de rigoles d'eau : les béalières et les moulins qui jouaient un rôle important dans cette irrigation.
Outre les animaux de basse-cour, coutumiers aux fermes, on pratiquait l'élevage ovin et caprin : les moutons étaient plus nombreux dans la partie haute, au-dessus des châtaigniers, vers 800 mètres, les montagnes étaient couvertes de prés et de landes herbeuses pour la pâture.
Et n'oublions pas l'élevage du ver à soie et la présence de nombreux ruchers. Vers 1850, la seule langue pratiquée était la langue des habitants du pays, une langue orale, l'une des nombreuses variantes de l'occitan. Le français n'était connu que de très rares personnes dont le curé et l'instituteur qui tenait l'état civil.
Tous les noms de lieux, naturellement, étaient et sont toujours en occitan : ils sont donc aujourd'hui incompréhensibles pour la plupart des gens, ce qui donne parfois de cocasses confusions : le "petit paris" est une traduction fantaisiste de "petit barry" qui signifie le rempart, l'abée tarelle vient de l'habitarelle qui signifie auberge, la clef du Bayle est une déformation de la clède du Bayle, la clède étant ici un séchoir à châtaignes, et les exemples de ce type sont nombreux.
Un autre point permet de comprendre ce pays : les voies de communications ont été radicalement modifiées : l'accès routier qui nous raccorde à Joyeuse en suivant la rivière Drobie n'existait même pas à l'état de sentier.
Deux voies raccordaient cette vallée à l'extérieur : un axe est-ouest en provenance de Largentière la traversait depuis Beaumont puis suivait l'arête de la montagne appelée serre, par Dompnac, Sablières, pour rejoindre Loubaresse, lieu de foire au bétail très renommé. Il existait sur la commune de Beaumont près de la limite de Dompnac, un relais auberge au lieu-dit l'Habitarelle.
L'autre pénétration partait de la Croix de fer, où se trouve aussi une auberge relais en ruine maintenant ; c'était la porte sud du pays. Le chemin descendait vers la Drobie pour se partager en deux voies à mi-pente : l'une, par le pont de la Brousse desservait la partie située d'un côté de la Sueille (rivière qui vient de Dompnac), St Mélany et une partie de Dompnac, et l'autre traversait la rivière au pont du rouge et desservait Sablières et l'autre partie de Dompnac.
A partir de 1850, la population n'a cessé de décliner jusqu'aux années 1970 où elle s'est réduite à un dixième de celle d'alors. La survie de cette vallée paraissait à tous irrémédiablement condamnée. Il n'y avait que des ruines : les bâtiments communaux : mairie, église, école, chapelle donnaient le ton. Les infrastructures, les accès, ou plutôt leur absence, tout sentait l'abandon.
Prenons maintenant l'exemple de Dompnac. La commune la plus mal desservie, la première à atteindre le plus bas niveau et la première aussi à inverser la tendance. En 1859 elle comptait 639 habitants et en 1968 : 62 !
Depuis, le solde n'a cessé d'augmenter à travers cinq ou six recensements, pour arriver à ce jour à 95 habitants. L'école primaire fonctionne en intercommunalité, les bâtiments ont été restaurés, les maisons se sont multipliées.
Certes, les populations qui habitent cette commune sont pour la plupart des habitants à temps partiel en saison, ce qui triple leur nombre en période estivale, mais le patrimoine bâti est sauvé. Les conseils municipaux se sont dynamisés, les structures de communication se développent, le raccord avec le chef-lieu de canton s'est amélioré, la desserte entre les communes aussi.
En ce qui concerne les terrains, le pire n'est peut-être pas encore atteint : l'impossibilité d'adapter ce territoire aux exigences de la productivité est responsable de la désertification du pays.
En effet, en plus de cet handicap que sont les pentes, il y a celui de la structure faite de terrasses irrégulières accessibles par des escaliers, des calades, des chemins étroits entre des murs qui furent créés jadis pour le passage des animaux et de l'homme aussi, accompagné du mulet, son auxiliaire de travail.
La mécanisation y fut impossible.
L'abandon progressif de l'agriculture a laissé place à une végétation arbustive : genêts, bruyères, fougères et épineux comme les ronces, les églantiers, les prunelliers...
La châtaigneraie retourne à l'état sauvage : rejets sur les souches, semis par les fruits, cela se transforme en futaies et étouffe l'ancien verger en le réduisant à du bois mort.
Depuis environ dix ans, des hardes de sangliers contemporains envahissent massivement le territoire. Ce sont des animaux très prolifiques ayant des affinités avec le cochon.
Voici qui va vous donner une idée de leur importance :
Les société de chasse de Sablières, Dompnac et St mélany, à partir de l'an 2000 environ, ont vu le volume de sangliers tués changer de dimension : en 2005/2006, les chasseurs ont dépassé le millier de sangliers tués pour une population humaine d'environ 350 habitants permanent !
Résultat ? sous les châtaigniers, le sol est continuellement retourné, cela équivaut à un labour, la production de châtaignes est de plus en plus abondante... à leur seul bénéfice.
En revanche, ils détruisent tous les murets des terrasses et les murs des chemins, ils démontent les calades. Le terrain sous les arbres est devenu un amas de pierres où l'on ne peut plus circuler, où il est pénible de travailler. En quelques années, ils ont plus détruit qu'en cinquante ans d'abandon. On essaie de protéger le plus efficacement possible les rares cultures qui restent, les jardins, les vignes, les prés.
Un espoir d'avenir ? certains habitants restaurent et replantent oliviers et vignes sur les terrasses ou faysses ; ils taillent les châtaigniers, réinstallent des ovins. Ces efforts sont encore trop modestes pour que l'on puisse y déceler une inversion de tendance, mais avec le recul d'une trentaine d'années, on peut dire que ce réinvestissement du territoire par une population nouvelle est probablement une tendance de fond : l'état du pays n'est pas encore totalement satisfaisant, mais notre pays revient de loin !




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