Voici quelques éléments d’histoire locale qui vous aideront à mieux comprendre ce Pays.
Dans
les années 1850, la vallée de la Drobie, soit les communes de
Sablières, Dompnac, St Mélany et pour moitié Beaumont et St André
Lachamp, comptait plus de 3 000 habitants ; on était alors au maximum de
la population de cette vallée, une véritable ruche d'abeilles qui
s'affairaient de tous côtés.
On
augmentait la surface des terrasses, on construisait chapelles, ponts
et pontets et l'arbre à pain : le châtaignier, était le principal
responsable de l'extension démographique car ses fruits fournissaient
une part importante de la nourriture de la maisonnée : humains et
animaux toute l'année et leur commercialisation sous forme de fruits
séchés : les cruzes, rapportait l'argent nécessaire.
Toute
la surface du pays était utilisée : les pentes étaient cultivées grâce à
la construction des terrasses, les faysses, ou faïsses qui, telles des
escaliers géants, s'étageaient sur les flancs de la montagne et partout
où l'on trouvait des terrasses, le terrain était labouré.
Quelles
étaient les cultures ? les châtaignier, bien sûr, mais mais dans les
parties basses de la vallée on trouvait des oliviers, des vignes et
grâce à l'assolement triennal : pommes de terre, céréales (orge et
seigle),pois chiche, jardins potagers, arbres fruitiers ; le long des
ruisseaux et des rivières étaient les prairies de fauche, avec un
important réseau de canaux et de rigoles d'eau : les béalières et les
moulins qui jouaient un rôle important dans cette irrigation.
Outre
les animaux de basse-cour, coutumiers aux fermes, on pratiquait
l'élevage ovin et caprin : les moutons étaient plus nombreux dans la
partie haute, au-dessus des châtaigniers, vers 800 mètres, les montagnes
étaient couvertes de prés et de landes herbeuses pour la pâture.
Et
n'oublions pas l'élevage du ver à soie et la présence de nombreux
ruchers. Vers 1850, la seule langue pratiquée était la langue des
habitants du pays, une langue orale, l'une des nombreuses variantes de
l'occitan. Le français n'était connu que de très rares personnes dont le
curé et l'instituteur qui tenait l'état civil.
Tous
les noms de lieux, naturellement, étaient et sont toujours en occitan :
ils sont donc aujourd'hui incompréhensibles pour la plupart des gens,
ce qui donne parfois de cocasses confusions : le "petit paris" est une
traduction fantaisiste de "petit barry" qui signifie le rempart, l'abée
tarelle vient de l'habitarelle qui signifie auberge, la clef du Bayle
est une déformation de la clède du Bayle, la clède étant ici un séchoir à
châtaignes, et les exemples de ce type sont nombreux.
Un
autre point permet de comprendre ce pays : les voies de communications
ont été radicalement modifiées : l'accès routier qui nous raccorde à
Joyeuse en suivant la rivière Drobie n'existait même pas à l'état de
sentier.
Deux voies
raccordaient cette vallée à l'extérieur : un axe est-ouest en provenance
de Largentière la traversait depuis Beaumont puis suivait l'arête de la
montagne appelée serre, par Dompnac, Sablières, pour rejoindre
Loubaresse, lieu de foire au bétail très renommé. Il existait sur la
commune de Beaumont près de la limite de Dompnac, un relais auberge
au lieu-dit l'Habitarelle.
L'autre
pénétration partait de la Croix de fer, où se trouve aussi une auberge
relais en ruine maintenant ; c'était la porte sud du pays. Le chemin
descendait vers la Drobie pour se partager en deux voies à mi-pente :
l'une, par le pont de la Brousse desservait la partie située d'un côté
de la Sueille (rivière qui vient de Dompnac), St Mélany et une partie de
Dompnac, et l'autre traversait la rivière au pont du rouge et
desservait Sablières et l'autre partie de Dompnac.
A
partir de 1850, la population n'a cessé de décliner jusqu'aux années
1970 où elle s'est réduite à un dixième de celle d'alors. La survie de
cette vallée paraissait à tous irrémédiablement condamnée. Il n'y avait
que des ruines : les bâtiments communaux : mairie, église, école,
chapelle donnaient le ton. Les infrastructures, les accès, ou plutôt
leur absence, tout sentait l'abandon.
Prenons
maintenant l'exemple de Dompnac. La commune la plus mal desservie, la
première à atteindre le plus bas niveau et la première aussi à inverser
la tendance. En 1859 elle comptait 639 habitants et en 1968 : 62 !
Depuis,
le solde n'a cessé d'augmenter à travers cinq ou six recensements, pour
arriver à ce jour à 95 habitants. L'école primaire fonctionne en
intercommunalité, les bâtiments ont été restaurés, les maisons se sont
multipliées.
Certes, les
populations qui habitent cette commune sont pour la plupart des
habitants à temps partiel en saison, ce qui triple leur nombre en
période estivale, mais le patrimoine bâti est sauvé. Les
conseils municipaux se sont dynamisés, les structures de communication
se développent, le raccord avec le chef-lieu de canton s'est amélioré,
la desserte entre les communes aussi.
En
ce qui concerne les terrains, le pire n'est peut-être pas encore
atteint : l'impossibilité d'adapter ce territoire aux exigences de la
productivité est responsable de la désertification du pays.
En
effet, en plus de cet handicap que sont les pentes, il y a celui de la
structure faite de terrasses irrégulières accessibles par des escaliers,
des calades, des chemins étroits entre des murs qui furent créés jadis
pour le passage des animaux et de l'homme aussi, accompagné du mulet,
son auxiliaire de travail.
La mécanisation y fut impossible.
L'abandon
progressif de l'agriculture a laissé place à une végétation arbustive :
genêts, bruyères, fougères et épineux comme les ronces, les églantiers,
les prunelliers...
La
châtaigneraie retourne à l'état sauvage : rejets sur les souches, semis
par les fruits, cela se transforme en futaies et étouffe l'ancien verger
en le réduisant à du bois mort.
Depuis
environ dix ans, des hardes de sangliers contemporains envahissent
massivement le territoire. Ce sont des animaux très prolifiques ayant
des affinités avec le cochon.
Voici qui va vous donner une idée de leur importance :
Les
société de chasse de Sablières, Dompnac et St mélany, à partir de l'an
2000 environ, ont vu le volume de sangliers tués changer de dimension :
en 2005/2006, les chasseurs ont dépassé le millier de sangliers tués
pour une population humaine d'environ 350 habitants permanent !
Résultat
? sous les châtaigniers, le sol est continuellement retourné, cela
équivaut à un labour, la production de châtaignes est de plus en plus
abondante... à leur seul bénéfice.
En
revanche, ils détruisent tous les murets des terrasses et les murs des
chemins, ils démontent les calades. Le terrain sous les arbres est
devenu un amas de pierres où l'on ne peut plus circuler, où il est
pénible de travailler. En quelques années, ils ont plus détruit qu'en
cinquante ans d'abandon. On essaie de protéger le plus efficacement
possible les rares cultures qui restent, les jardins, les vignes, les
prés.
Un espoir d'avenir ?
certains habitants restaurent et replantent oliviers et vignes sur les
terrasses ou faysses ; ils taillent les châtaigniers, réinstallent des
ovins. Ces efforts sont encore trop modestes pour que l'on puisse y
déceler une inversion de tendance, mais avec le recul d'une trentaine
d'années, on peut dire que ce réinvestissement du territoire par une
population nouvelle est probablement une tendance de fond : l'état du
pays n'est pas encore totalement satisfaisant, mais notre pays revient
de loin !
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